
"SKIA, CHAOS"
Edith Gallot

Ma pratique artistique est guidée par un intérêt pour le phénomène de perception plus particulièrement appliqué à l’espace et à l’architecture. Considérant l'espace comme l'essence, la substance même du monde, et l'architecture comme une élaboration humaine pour contenir et apprivoiser cet espace. Nos paysages sont habités par des volumes, des courbes, des droites, des pleins et des vides parmi lesquels nous évoluons. L'acte perceptif permet une véritable interaction, un échange, car, en plus de voir ces lieux, nous les appréhendons et les ressentons comme une partie ou une extension de notre propre corps. C'est en m’intéressant à la relation qui s'établit entre le regard de l'individu et le lieu qui l'environne, que la notion de perception a pris une place primordiale au sein de ma recherche plastique. À savoir, quelle lecture fait-on d'un lieu, quelle émotion et quelle sensation provoque cette lecture ?
La lumière tient également une place essentielle dans mon travail, puisqu’elle est la condition même de la vision. Elle nous éclaire, nous donne accès aux choses. Elle nous permet de reconnaître, de situer, d'envisager le relief, de concevoir l'avant, l'arrière, le format, l'échelle... Elle nous donne accès aux objets, à l'environnement, elle est le lien entre les êtres et rend possible l'acte perceptif.
Habitée par ces idées, j'ai longtemps interrogé le regard à travers le dessin de formes architecturales déroutantes, cherchant à perturber la perception pour pousser le spectateur à l'introspection. Au fur et à mesure, je me suis éloignée d'une certaine représentation pour capter les lignes essentielles qui structurent toutes formes, en observant les relations qu'elles entretiennent entre elles et comment, grâce à un jeu de composition, on peut dépasser la simple vision pour proposer une véritable expérience perceptive. Après avoir illustré la ligne par le trait sur une surface plane et horizontale, la forme a fini par s'émanciper du support pour venir s'épanouir dans l'espace même et entrer littéralement en résonance avec l'architecture dans laquelle elle s’insère.
Depuis quelques années donc, je pratique l'installation in situ, intégrant des dispositifs lumineux, des dessins spatiaux, des créations sonores et des projections vidéos. Toujours menée par la volonté de pousser l'individu à s'interroger sur sa propre faculté à voir et ainsi l'inciter à réfléchir sur sa propre présence.